Comment est né le plus grand musée du monde

Le passage méridional de la Cour Carrée, Le Louvre, Paris

En devenant musée national, le palais des rois n’a rien perdu de sa superbe. Après la Révolution, les régimes successifs ont veillé à en préserver l’harmonie. Ainsi Napoléon 1er mit un point final à l’aménagement de la Cour Carré, tout en respectant l’architecture de la Renaissance.

 

Pendant les 18 années du règne de Louis XVI (1774-1792), la Cour Carrée n’évolua guère. Seule innovation : l’ouverture d’un accès au Sud, vers la Seine. Il n’en existait plus depuis François 1er.

> Conservez votre position assise sur le rebord du bassin.

> Et jetez un coup d’oeil vers le porche sud (vers la Seine).  

Le passage méridional de la Cour Carrée n’a rien d’exceptionnel. On le doit à un architecte dont le souvenir s’est perdu : un certain Maximilien Brébion, membre de l’académie royale d’architecture, successeur de Soufflot, qui fit carrière dans les Bâtiments du roi. 

L'une des belles "traces" que Brébion ait laissée dans Paris se situe dans le Marais :  il construisit en 1784 le marché Sainte-Catherine, à l’emplacement de l’ancien couvent Sainte-Catherine. Il nous a ainsi transmis un ensemble homogène d’immeubles du 18ème siècle autour d’une sublime petite place. Mais Brébion a également imaginer les beaux bâtiments à colonnades qui ferment la place du Panthéon, de part et d'autre de la rue Soufflot.

Au Louvre, en dehors du passage méridional de la Cour Carré, l'architecte de Louis XVI n’a pas fondamentalement marqué le paysage. Pourtant, il a contribué à un projet de première importance : le coup d’envoi du musée royal, sous le règne de Louis XVI. Car, paradoxalement, ce roi qui ne s’intéressait guère à l’art, a joué un rôle décisif dans la création d’une de ses plus prestigieuses vitrines. 

Accrochage des collections royales

En 1774, pour succéder au marquis de Marigny à la direction générale des Bâtiments, le nouveau roi nomma un de ses amis personnels, le comte d’Angiviller. Ce dernier reprit l'idée d’exposer dans la Grande galerie du Louvre, les tableaux de la collection royale que l’on pouvait, depuis quelques années, admirer au palais du Luxembourg. 

 

Tout d’abord, le comte d’Angiviller conçut, dans un souci pédagogique et didactique, l’aménagement des salles d’exposition. Ensuite, en 1782, il confia à Maximilien Brébion, le soin de réaliser un nouvel escalier pour desservir les futures salles d’exposition de la Grande Galerie, mais aussi le Salon Carré, où se tenait depuis 1699 le Salon annuel de l’Académie royale de sculpture et de peinture (photo ci-contre). Cet escalier se situait à l’emplacement de l’actuel escalier de la Victoire de Samothrace. 

 

Après avoir jeté les bases du futur musée royal, le comte d’Angiviller s’attacha à en compléter les collections. Il procéda à l’acquisition de plusieurs chefs d’oeuvre de la peinture européenne, notamment Le mendiant du peintre espagnol Murillo et trois tableaux du hollandais Rembrandt (Vénus et l’Amour, Les Pélerins d’Emmaüs, Le philosophe en méditation).

 

D’Angiviller, dernier Directeur générale des Bâtiments du roi, n’eut ni le temps, ni les moyens de mener à terme son projet. Le financement de la guerre d’indépendance américaine différa l’achèvement du musée royal. Et la chute de l’Ancien Régime le stoppa brutalement.

 

1793, ouverture du Museum des Arts

Il fallut attendre la fin effective de la monarchie en 1792, pour que le musée redevienne d’actualité. Les collections royales passèrent alors, définitivement, dans le patrimoine national. Leur accès au public devint, du même coup, un symbole du changement de régime. Le Museum des Arts fut ouvert le 10 août 1793, date anniversaire de la chute de la monarchie. Il avait été préalablement enrichi d’oeuvres saisies. 

L’histoire du musée du Louvre, indissociable de l’histoire du palais, en fut la résultante. Rien ne l’arrêterait plus jamais. Aucun des régimes politiques qui émergèrent de la Révolution Française n’ont remis en cause le musée. 

Sous le Directoire, l’appartement d’été d’Anne d’Autriche devient musée des Antiques.

Sous l’Empire, les collections s’étoffèrent au fil des conquêtes et, en 1803, Dominique Vivant Denon fit du Louvre le Musée Napoléon.

Sous Louis XVIII, la Vénus de Milo exhumée des Cyclades enrichit les collections d’antiquité.

Sous Charles X, le département égyptien fut crée. Par ailleurs, les oeuvres saisies sous la Révolution et conservées dans le couvent des Petits Augustins rejoignirent le Louvre.

Sous Louis-Philippe, les antiquités assyriennes découvertes à Khorsabad firent à leur tour leur entrée dans l’ex-palais des rois de France.


Epilogue

Et la Cour Carrée ? Comment poursuivit-elle son roman dans le cours chahuté de l’histoire post-révolutionnaire ? Comment finit-elle par trouver l’harmonie après avoir été bousculée par la démesure de son aile orientale ?

 

Sous Louis XV, on s’en souvient, les architectes Gabriel et Soufflot avaient patiemment remis de l’ordre dans le chantier titanesque que Louis XIV avait ni plus ni moins laissé en plan en partant pour Versailles. Toutefois, les deux architectes n’avaient pas réussi à corriger le pire des outrages qu’avait eu à subir la Cour Carrée à la fin du 17ème siècle. 

 

En élevant l’aile orientale sur deux étages, on avait créé un irrémédiable déséquilibre. Les trois autres ailes avaient en effet conservé l’élévation imaginée à la Renaissance : un rez-de-chaussée, un étage noble et l’attique.

 

Sous l’Empire, les architectes de Napoléon 1er, Charles Percier et Pierre Fontaine, s’attaquèrent au problème. Ils proposèrent d’unifier la Cour Carrée sur deux étages. Ce projet iconoclaste conduisait à remanier l’aile conçue au 16ème siècle par Pierre Lescot et son prolongement par Jacques Lemercier, l’architecte de Louis XIII. L’Empereur s’y opposa. Il n’était pas question de toucher à l’architecture Renaissance !

 

C’est ainsi que l’aile occidentale fut épargnée. Et que les ailes Nord et Sud furent dotées d’un deuxième étage. Elles furent également, comme l’aile orientale au 18ème siècle, ornées de frontons corinthiens. Ainsi fut achevée la Cour Carrée, 600 ans après la pose de la première pierre sous Philippe-Auguste. 

 

Le hic c’est qu’on créa un nouveau désordre. L’aile Renaissance, dominée par ses cadettes, perdit de sa superbe. Coincée, engoncée, elle a bien du mal à affirmer son antériorité. Et son incomparable élégance.


 Le Louvre, 810 ans d'histoire pas à pas

 Fin de la balade