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Là où le soleil se lève
Soumis par Jean-Louis Marrou le dim, 09/12/2012 - 18:39
Face à la ville, face à l'astre du jour ! Le Roi soleil entend installer ses appartements dans l'aile orientale. Rien n'est assez beau, rien n'est assez grand pour le nouveau bâtiment. On y invente un style. Mais, du même coup, on crée un irrémédiable déséquilibre à l'intérieur de la Cour Carrée.
Depuis François 1er, on entre et on sort du Louvre par l’Est, c’est à dire du côté de la ville et de l’hôtel de ville. Dès lors, comme les églises, le Louvre est tourné vers l’Orient du Christ, il est «orienté». Ce n’est sans doute pas un hasard. Le roi est l’élu de Dieu et entend le rappeler.
Mais avec Louis XIV, l’Orient prend plus d’importance encore. Le monarque ne se compare-t-il pas au soleil ? C’est à l’Est que le roi entend désormais installer ses appartements. Et il y voit une raison supplémentaire de mettre en scène de manière grandiose le palais vers l’Orient. Rien n’est assez grand, rien n’est assez beau, rien n’est assez innovant pour cette façade orientale qui doit célébrer la gloire du roi Soleil, face à la ville.
> Quittez la Cour Carrée par le porche oriental (la Seine est sur votre droite)
> Avancez d’une vingtaine de mètres, vers l’Est, en direction de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois.
> Puis, retournez-vous pour faire face à l’aile orientale du Louvre et observer attentivement la colonnade de Perrault.
Première et évidente caractéristique de cette façade monumentale : les imposantes doubles colonnes. Finis les bas reliefs de la façade Renaissance de Pierre Lescot ! Désormais des colonnes pleines supportent toit et fronton, comme dans les temples antiques.
Les ordres antiques réservés au princes de sang
Non seulement Le rappel de l’antiquité fonde l’architecture classique, marque du règne de Louis XIV, mais elle relie le roi au monde céleste, au monde de la mythologie, au monde des dieux et des idées. Désormais, dans cette architecture dite classique, seules les demeures royales et princières peuvent utiliser les grands ordres de l’architecture antique.
Deuxième caractéristique de la façade orientale : le gigantesque fronton. Le palais se fait temple. Inspiré de la Grèce antique, le fronton domine la façade et pointe vers le ciel. Toujours et encore le lien royal avec le divin.
Royale démesure
Le divin appelle la démesure. Rien n’est assez grand, beau et puissant pour le roi Soleil. Pour réaliser le fronton, on taille dans les carrières de Meudon un bloc de pierre de 34 mètres de long et de 2,50 de haut. En 1672, pour le hisser, il faudra le scier en deux morceaux de 17 mètres chacun et concevoir une machine spéciale.
Enfin, le fronton marque et met en valeur l’entrée principale : face à l’Est, là où commence la course du soleil.
Troisième caractéristique de la façade orientale : le rappel absolu de la hiérarchie des étages. Depuis la Renaissance, le seul étage qui vaille est le premier étage. Ce principe est réaffirmé avec force.
Il n'est d'étage que le premier
L’élévation des colonnes, leur gémellité, l’effacement de l’attique derrière les initiales de Louis XIV, les frontons au dessus des fenêtres... Tout est fait pour rappeler que le roi réside à l’étage noble. Le rez-de-chaussée semble s’effacer dans la base de la muraille. L’attique est escamotée, la toiture disparait. Il n’y a plus rien entre l’étage noble et le ciel. Juste une terrasse soulignée par une élégante rambarde.
Quatrième caractéristique : les deux pavillons à chaque extrémité. On retrouve ici un élément clé de l’architecture royale : le pavillon. On reprend également l’idée de la baie de plein cintre. Mais, installée à l’étage noble, elle est unique et démesurément haute : toute la hauteur de l’étage.
Le roi soleil a désormais son style
Pas de doute, un style est né. Il va influencer durablement l’architecture royale. On le retrouvera bientôt à Versailles. Mais aussi un siècle plus tard dans le dessin de la Place royale (l’actuelle place de la Concorde), conçu en 1755 par Ange-Jacques Gabriel.
Seulement voilà, pour répondre au désir de splendeur du monarque, les architectes ont dû à plusieurs reprises revoir la hauteur du bâtiment. Résultat : l’aile orientale est plus élevée que le bâtiment de Lescot et toutes les autres ailes du Louvre. Cette différence d’un demi étage va avoir de lourdes conséquences.
Tout d’abord, à l’intérieur de la Cour Carrée, l’équilibre est définitivement rompu. Alors que trois ailes ont été construites sur un étage et demi, à la manière de la Renaissance, la quatrième, côté Est, les domine désormais de plusieurs mètres.
Ensuite, l’inflation en hauteur a entraîné une inflation en largeur. Pour préserver l’harmonie des proportions, les architectes ont dû étirer l’aile orientale de chaque côté. Résultat : les façades ne se raccordent plus. La solution : tricher, en cachant le décalage derrière le pavillon d’angle. C’est l’option prise au Nord. Seulement voilà, au Sud, face à la Seine, le roi ne s’y résout pas. Nouveau casse-tête pour les architectes !
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