Le Grand Dessein d’Henri IV

Le Louvre au 16ème siècle

La poule au pot et le Pont Neuf sont restés dans les mémoires. Mais pas vraiment le Grand Dessein du Louvre. Pourtant, il a laissé dans Paris une trace durable. Henri IV, pour assoir son pouvoir et sa grandeur avait imaginé de relier les palais du Louvre et des Tuileries. Il nous reste de ce projet la galerie du bord de l’eau... Et le Louvre de Napoléon III !

 

Henri IV s’installe à Paris en 1594, cinq ans après son accession au trône. Non sans heurt. Il a reconquis la ville, sur la ligue catholique, au terme d’un siège qui a fait près de 4000 morts et de plusieurs batailles. 


On sort des guerres de religions. Henri IV, fraichement (re)converti au catholicisme, doit impérativement assoir son pouvoir. Le Louvre, devenu la résidence principale des rois sous Henri III, son prédécesseur, constitue un formidable terrain de manoeuvre. 


Tout d’abord, le roi fait terminer l’aile Sud, destinée aux reines. Mais surtout, il reprend l’idée d’une grande galerie le long du fleuve, dont le projet a été initié sous Charles IX par Philibert Delorme.

  

> Traversez le quai François Mitterrand et rejoignez le Pont des Arts.  


> Tout d’abord jetez un oeil sur la gauche du côté du Pont Neuf, le premier pont en pierre parisien, dont la construction a été lancée sous Henri III en 1578, puis reprise sous Henri IV et achevée en 1607.


> Tournez vous ensuite vers l’aval du fleuve et vers le Louvre.

 

Pas simple de relier sur près de 500 mètres, le long de la Seine, le palais du Louvre au Palais des Tuileries. Déjà, on l’a vu, un jalon a été posé avec la construction de la petite galerie en terrasse sur le fleuve.


Première difficulté, assurer la jonction avec les Tuileries. L’idée est alors de construire, à chaque extrémité de la grande galerie, un pavillon, sur le modèle du pavillon du roi. 


Le pavillon des Ambassadeurs, visible du Pont des Arts (et fraîchement restauré), jouxte la petite galerie en bordure de Seine. A l’opposé, du côté des Tuileries, un autre pavillon sort de terre, que l’on baptisera, sous Louis XIV, Pavillon de Flore.


Deux architectes pour une galerie de 500 mètres au bord de l'eau

Deuxième difficulté, et non des moindres : éviter que la galerie du bord de l’eau, longue de 470 mètres, ne donne une fâcheuse impression d’étirement et de monotonie. L’astuce ? Confier chacune des deux moitiés de la galerie à deux architectes différents : le premier tronçon, du côté du Louvre, revient à Louis Métezeau ; le second, du côté des Tuileries, à Jacques II Androuet du Cerceau.


Enfin, que faire de cet énorme corps de bâtiment ? Certes, le premier étage a pour vocation de faire communiquer les deux palais, au delà-du mur de Charles V, et d’offrir une fuite aisée pour le roi hors de la ville. Il peut également servir à exposer les collections du roi, qui depuis François 1er se sont enrichies de somptueuses oeuvres de la Renaissance Italienne (toiles de Léonard de Vinci, du Titien ou de Raphaël).


Mais que faire des niveaux inférieurs ? Leur affectation doit, évidemment, signer le règne d’Henri IV de manière durable. Là encore, sous l’influence de l’italie - Henri IV a épousé Marie de Médicis - le roi se fait mécène.  


Des artistes en résidence au Louvre

La nouvelle réalisation architecturale va offrir au souverain l’occasion d’accueillir durablement des artistes. L’idée est de les soustraire à l’organisation rigide des corporations et leur permettre de créer librement pour le roi. 


Il ne s’agit pas seulement d’accueillir les arts les plus nobles, comme la peinture ou la sculpture, mais aussi les métiers d’art comme l’orfèvrerie ou la tapisserie. Ainsi, la galerie du bord de l’eau, en accueillant des tapissiers, constituera l’embryon de la Manufacture royale, installée sous Louis XIV aux Gobelins.


A présent, imaginez, tout au long d’un rez-de-chaussée de 470 mètres, une succession ininterrompue d’ateliers, ouverts du côté du Louvre et des Tuilerie, et dotés, à l’entresol de logements pour les artistes. 


A partir de 1608, les plus grands noms de l’art français résideront et travailleront en ces lieux. Fragonard sera l’un des derniers. En 1806 (curieusement les même chiffres que 1608 !), Napoléon 1er mettra un terme à la tradition initiée par Henri IV. Pour des raisons, dit-on, de nuisances... L’Empereur n’avait-il pas fait des Tuileries sa résidence ?  


Un seul palais, du Louvre aux Tuileries

Avec la construction de la galerie du bord de l’eau, germe, dans l’esprit d’Henri IV, un projet plus vaste encore, connu sous le nom de Grand Dessein. Il s’agit, ni plus, ni moins, de relier les deux palais sur les deux côtés. Une entreprise colossale, dont on garde les croquis et qui va occuper les esprits pendant les siècles suivants. Le Grand Dessein ne sera réalisé que sous Napoléon III, en 1857 !


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