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Le jour J de la Commune de Paris
Soumis par Jean-Louis Marrou le mer, 03/10/2012 - 12:15

Un petit tour derrière l’église Saint-Pierre et la Basilique du Sacré-Coeur permet de se replonger dans les événements qui marquent le début de la Commune de Paris, le 18 mars 1871.
La commune de Montmartre, avec son maire et sa mairie, sera éphémère. Elle disparaît en 1860, sous le Second-Empire. Paris est alors le théâtre d’un grand chambardement. Sur fond de révolution industrielle, l’essor économique et démographique s’accompagne d’un vaste remaniement de la ville autour des gares de chemin de fer et des nouveaux axes urbains re-dessinés par le Baron Haussmann.
Bigbang sous le Second-Empire
Les limites de Paris sont repoussées jusqu’à l’enceinte de Thiers, une enceinte puissamment fortifiée conçue et achevée, 16 ans plus tôt, sous Louis-Philippe (elle se situait à la hauteur des actuels boulevards des maréchaux). La création de 20 arrondissements entraîne la disparition des communes périphériques, englobées dans le grand Paris du Second Empire.
Ainsi la commune de Montmartre créée en 1790, est-elle absorbée en 1860 par le 18ème arrondissement de Paris. Sa mairie, qui, entre temps, a été déménagée de la place du Tertre à la place des Abbesses, laisse la place à une mairie d’arrondissement.
Cette grande mutation parisienne ne s’est pas faite sans heurt, ni sans drame. Le Second Empire, instauré sur fond de répression et de limitation des liberté démocratiques, a exacerbé les tensions sociales et les aspirations républicaines.
Une nouvelle génération de républicains plus ou moins radicaux émerge, comme Georges Clemenceau, maire du 18ème arrondissement, ou Léon Gambetta, député de la Seine. La gauche socialiste et l’extrême-gauche marxiste font leur apparition, avec notamment la création de l’antenne parisienne de l’Association internationale des travailleurs (AIT), dont Karl Marx fut l’un des fondateurs à Londres. Les premiers syndicats ouvriers émergent.
Dans ce contexte d’effervescence urbaine, l’effondrement du Second Empire en 1870, va s’accompagner d’un soulèvement populaire : la Commune de Paris. L’un des tous premiers épisodes de cette insurrection eut lieu, le 18 mars 1871, sur la butte Montmartre. Je vous invite à vous rendre sur ce lieu de mémoire.
> Quittez la place du Tertre, en revenant vers l’église Saint-Pierre par la rue Norvins.
> Tournez à gauche, devant l’église, dans la rue du Mont-Cenis et suivez la sur quelques dizaines de mètre. Vous voici face aux communes de la banlieue Nord, en particulier Saint-Denis, qui, comme nous l'avons vu, a longtemps eu dans l’histoire un lien très particulier avec Montmartre.
> Tournez ensuite à droite dans la rue du Chevalier de la Barre, puis remontez cette rue jusqu’au Carmel de Montmartre, en passant derrière la basilique du Sacré-Coeur.
> Sur votre gauche, à la hauteur du numéro 36, vous allez découvrir un grand mur gris, parfaitement sinistre, comme si ce lieu conservait la mémoire des événements dont il a été le témoin.
Ici, le 18 mars 1871, des Parisiens en colère ont fusillé le commandant en chef de la garde nationale de la Seine, Jacques Léon Clément-Thomas, et un général de la garde nationale, le général Claude-André Lecomte (1817-1871). Ces deux soldats furent les toutes premières victimes d’une guerre civile qui en trois mois fera plusieurs dizaines de milliers de morts.
Paris martyrisé, Paris révolté
Paris sortait tout juste d’un siège militaire et d’un blocus de plusieurs mois. En septembre 1870, après la capitulation de Sedan, qui entraîna la déchéance de Napoléon III, les troupes prussiennes avaient en effet déferlé sur le Nord de la France et mis le siège devant Paris.
Au début de 1871, tandis que le gouvernement (provisoire) de Défense nationale est prêt à négocier un armistice avec les Prussiens, les Parisiens, qui ont douloureusement soutenu le siège, sont plutôt favorables à la résistance. Le 22 janvier, ils descendent dans la rue. La manifestation, réprimée par le nouveau maire de Paris Jules Ferry et le nouveau chef de la garde nationale Jacques Léon Clément-Thomas, fait long feu.
Dans la foulée, l’armistice est signé. Ce qui ne manque pas d’accroître la colère du peuple.
Paris, comme d’autres grandes villes, va finir par larguer les amarres avec le reste du pays.
En février 1871, les premières élections législatives organisées après la chute du Second Empire donnent une majorité royaliste à la France. En revanche, la capitale vote massivement pour les Républicains. On court tout droit au conflit. Le nouveau gouvernement conservateur, conduit par Adolphe Thiers, se méfie des Parisiens. Mais comment désarmer leur résistance ?
Dès septembre 1870, des comités de vigilance populaire se sont créés dans les arrondissements pour suppléer le gouvernement dans son effort de défense. De surcroît, avec la guerre franco-prussienne, la garde nationale parisienne a été renforcée. En 1871, elle compte pas moins de 300 000 personnes. Or, cette milice de citoyens, créée sous la Révolution Française, n’a jamais été totalement acquise au pouvoir en place dans les périodes insurrectionnelles.
Enfin, la ville dispose d’armement lourd et les gardes nationaux estiment que les canons, financés en partie par souscription, appartiennent aux Parisiens. D’ailleurs le 8 mars, le gouvernement a échoué à enlever de force les quelques 171 canons rassemblés à Montmartre (juste sous nos yeux, à l’emplacement de la basilique du Sacré-Coeur).
Le 18 mars, insurrection sur la butte
Finalement, le 18 mars 1871, au petit matin, l’opération montée par Adolphe Thiers pour récupérer l’armement lourd des Parisiens semble sur le point de réussir. A Belleville, l’armée arrive à récupérer les canons. A Montmartre, elle est sur le point d’y parvenir.
Seulement voilà, faute de chevaux, l’évacuation prend du retard. A Montmartre, la foule s’alarme, une partie de l’armée fraternise avec les Parisiens. C’est le début de l’insurrection. Des barricades se dressent dans les quartiers du Nord et de l’Est. La garde nationale, dans sa grande majorité, ne répond plus aux ordres du gouvernement. L’armée est débordée. L’Hôtel de Ville occupé.
En fin d’après-midi, à Montmartre, la foule attaque le poste de la rue des Rosiers (actuelle rue du Chevalier de la Barre), où sont détenus deux généraux considérés comme des ennemis du peuple.
Le premier, le général Lecomte, était le matin même à la tête de l’opération destinée à récupérer les canons. Il a été arrêté après avoir menacé de tirer sur la foule.
Le second, le général Clément-Thomas, a suscité la vindicte populaire pour plusieurs raisons : d’une part, en 1848, il avait participé à la répression de l’insurrection républicaine ; d’autre part, les Parisiens lui reprochent l’échec militaire d’une ultime tentative de sortie pendant le siège de Paris, laquelle a fait 4000 morts quelques semaines plus tôt ; enfin, il a réprimé la manifestation du 22 janvier 1871.
Le matin du 18 mars 1871, le général Clément-Thomas a été surpris à Pigalle en train de repérer, en costume civil, l’emplacement des premières barricades. D’où son arrestation.
Le comité de vigilance de Montmartre, présidé par Louise Michel, et le maire du 18ème arrondissement, Georges Clémenceau tenteront d’intervenir pour que les deux généraux soient normalement livrés à la justice. Mais, une fois le poste de la rue des Rosiers investi par la foule, les deux militaires sont immédiatement fusillés, à l’endroit même où nous nous trouvons.
Cette journée insurrectionnelle du 18 mars 1871 est considérée comme le point de départ de la Commune de Paris, c’est à dire la gestion autonome et directe de la ville par un Conseil de la Commune élu (92 membres au départ), inspiré des premières années de la Révolution française. Cet épisode de courte durée, du 25 mars au 28 mai 1871, se termina dans un bain de sang : la violente reconquête de la ville par le gouvernement d’Adolphe Thiers fit, selon les sources, entre 17 000 et 30 0000 morts (lire notre dossier, «Les 140 ans de la Commune»).
Montmartre 2000 ans d'histoire