Louvre : bizarrerie dans la Cour Carrée

Aile Renaissance de Pierre Lescot et Jean Goujon, la Cour Carré du Louvre, Paris

Téléchargez ici la version audio de notre balade dans la Cour Carrée du Louvre. 


L’aviez-vous remarqué, la façade la plus ancienne et la plus élégante de la Cour Carrée est dominée d’une tête par les ailes Nord et Sud. Du coup, elle paraît écrasée, étouffée, engoncée. Voici l'histoire de cette bizarrerie, prétexte à une des plus belles balades parisiennes.


Entrez dans la Cour Carrée du Louvre par le porche du Sud, c'est à dire du côté de la Seine, juste en face de la Passerelle des Arts. Arrêtez-vous au milieu de la Cour Carrée (à la hauteur du bassin), face au porche de la Tour Sully (ou Tour de l'horloge). Vous ne pouvez pas vous tromper : c'est le porche à travers lequel on peut apercevoir la Pyramide en verre de l'architecte Ieoh Ming Pei


L'harmonie de la Renaissance

Prenez le temps d’observer, devant vous, la façade occidentale de la Cour Carrée. Observez la consciencieusement, du rez-de chaussée au toit, puis, de droite à gauche, c'est à dire du Nord au Sud. Vous ne remarquez rien ? Cette façade, si harmonieuse, paraît comme engoncée. En fait, elle est littéralement dominée par les ailes Nord et Sud, qui la dépassent d’une hauteur de toit. A priori, l’écart de hauteur ne saute pas aux yeux et ne remet pas fondamentalement en cause l’harmonie de la cour.  Il présente toutefois l’inconvénient d’écraser la plus ancienne façade de la Cour Carrée, et, sans doute la plus précieuse.

Petit retour en arrière. Face à vous, la façade occidentale de la Cour Carrée, date, pour une moitié de la Renaissance (la moitié gauche) et, pour l’autre moitié, du règne de Louis XIII (moitié droite, à partir de la tour de l’horloge). L’aile Renaissance, réalisée sous Henri II, est l’oeuvre de l’architecte Pierre Lescot et du sculpteur Jean Goujon. Le pavillon de l’horloge et l’aile Louis XIII ont été conçus par l’architecte Jacques Lermercier. Si la partie droite (Louis XIII) est en quelque sorte le symétrique et la copie de la partie gauche (le palais de la Renaissance), la Tour de l’horloge, en revanche, apporte quelques éléments nouveaux : les grandes baies du dernier étage, mais aussi l’imposant dôme du toit qui, inspirera tous les autres dômes du Louvre.


Les normes du bon goût

Mais revenons à nos moutons. Pourquoi l’aile Nord et l’aile Sud de la Cour Carrée dominent-elles d’une tête leur vénérable ancêtre de l’Ouest, l'aile Renaissance ? En réalité, lorsque l’aile Nord (sur votre droite) et l’aile Sud (sur votre gauche) ont été construites, elles respectaient parfaitement la hauteur de l’aile Renaissance, selon un plan tout à fait normé : un seul étage, le premier, était considéré comme l’étage noble (les appartements du roi étaient d'ailleurs installés à ce niveau).

Le deuxième étage, moins élevé, appelé “attique”, avait une fonction moins prestigieuse ou plus utilitaire (le mot anglais « attic » ne signifie-t-il pas grenier, comble ou mansarde ?). A l’époque classique, cet ordonnancement était toujours considéré comme le canon du bon goût en matière d'architecture. On le retrouve aussi bien à Versailles que dans de nombreux hôtels particuliers du Marais.

A l'origine, l’aile Sud (côté Seine), qui abritait les appartements des reines, construite pour moitié sous Henri III, puis prolongée sous Louis XIV, et l’aile Nord (côté rue de Rivoli), construite au début du règne de Louis XIV, respectaient parfaitement la sacro-sainte règle de l'étage noble et de l'attique. Tout se complique, lorsque Louis XIV, décide de doter le Louvre d'une façade monumentale, à l'Est, c'est à dire, du côté de la ville.


Suite de notre balade dans la Cour Carrée