Montmartre ou la Savoie à Paris

L'église Saint-Pierre de Montmartre, Paris 18ème

C’est tout de même drôle de penser qu’un des points culminants de Paris, la Butte Montmartre, soit si étroitement associé à la Savoie.

 

Tout d’abord il y a la rue du Mont Cenis qui aboutit pile poil sur la place du Tertre. Ensuite, la grosse cloche de l’église du Sacré Cœur s’appelle la Savoyarde : pour la simple et bonne raison que, comme la plupart des plus belles cloches françaises elle a été fondue à Annecy dans les ateliers de la famille Paccard. Enfin et surtout, c’est à une savoyarde célèbre que l’on doit l’Abbaye royale de Montmartre.

  

Quelle abbaye, me direz vous ?

 A part la place des Abbesses, en bas de Montmartre, toute trace de cette fameuse abbaye royale semble avoir disparu. Erreur ! Le plus beau vestige de ce grand sanctuaire religieux se trouve à deux pas de la place du Tertre. C’est la petite église Saint-Pierre-de-Montmartre. Si un lieu parisien vaut le détour c’est bien celui là.

Merci à Adélaïde de Savoie (1092-1154). Cette descendante de la puissante famille des Ducs de Savoie, épouse du roi de France Louis VI le gros, a fait bâitr l’église Saint Pierre de Montmartre au début du 12ème siècle et fondé l’abbaye royale de Montmartre. C’est même son oncle, le pape Calixte II, qui est venu les consacrer. Si vous voulez rendre hommage à la dame, rien de plus simple : sa pierre tombale est dans l’église Saint-Pierre-de-Montmartre. Bon, le portrait de la dame, gravé sommairement dans la pierre, n’est pas très flatteur. Mais tout de même c’est émouvant. Car, d’une certaine manière la bonne dame est une miraculée.

 

 

Abbaye royale de très mauvaise réputation...

Pendant des années, l’Abbaye royale a été un objet de détestation pour les Parisiens. Cette institution religieuse, dotée de vastes domaines et fort riche ne se comportait pas mieux avec ses sujets que toutes les grandes puissances féodales (corvées, impôts, etc.). De plus les dames de l’abbaye s’étaient fait une sale réputation. L’une des abbesses et sa soeur, Gabrielle d’Estrée, avaient été les maîtresses d’Henri IV.  Les soldats d’Henri IV installés à Montmartre pendant le siège de Paris (vous savez, « Paris vaut bien une messe et tutti quanti ») avaient, semble-t-il, eu commerce avec les bonnes sœurs . Oui, ça se pratiquait. Il y a d’autres exemples plus anciens dans l’histoire parisienne, du côté de la Concergierie (ancien palais royal).

 

A la Révolution, la mère abbesse perd la tête ! 

Bref, l’abbaye avait laissé dans la mémoire locale un goût de scandale. Alors, au moment de la révolution, quand les Parisiens s’en sont pris aux grands symboles du pouvoir monarchique et aux affameurs, l’Abbaye royale a passé un mauvais quart d’heure. La mère abbesse de l’époque, Marie-Louise de Montmorency, une pauvre vieille qui n’avait plus toute sa tête, a payé pour toutes les autres en se faisant guillotiner. Il paraît que pendant son procès à la Conciergerie, elle n’a rien compris à ce qui lui arrivait. Ensuite, l’abbaye a été vendue comme bien national. Les carriers qui se sont empressés de la racheter l’ont vendue pierre par pierre avant d’exploiter le sous sol. Ce qui explique qu’il n’y ait plus aucune trace de l’abbaye.

Pour en savoir plus sur Marie-Louise de Montmorency

 

Saint-Pierre de Montmartre et Adélaïde préservées du canarge

Comment la petite église Saint-Pierre-de-Montmartre et la tombe d’Adélaïde ont-elles résisté au carnage ? Là encore, l’histoire vaut le détour. La plupart des grandes abbayes parisiennes avaient deux églises : une église abbatiale réservée aux religieux et une église paroissiale pour les paroissiens. Les deux églises étaient souvent très proches ; à l’abbaye Sainte Geneviève, sur la colline Sainte Geneviève, elles étaient même mitoyennes.

A Montmartre, rien de tout cela. L’église abbatiale et l’église paroissiale ne faisaient qu’une. Peut-être parce que les paroissiens du village de Montmartre n’étaient pas si nombreux. En tout cas, aussi révolutionnaires qu’ils aient pu être, les paroissiens de la Butte, un poil superstitieux, n’ont pas voulu s’attaquer à leur église. Saint-Pierre de Montmartre est resté debout. Pour notre plus grand bonheur. Non seulement cette petite église romane est sublime. Mais elle semble faire un pied de nez à l’abomination que représente la Basilique du Sacré cœur  (architecture grandiloquente au service d’une cause douteuse, l’expiation des crimes de la Commune de Paris).