La colonne Vendôme, un « Gloubi-boulga » de symboles

Statue de Napoléon 1er, par Dumont, place Vendôme, Paris 1er

323 000 francs, c’est le prix que devait acquitter Gustave Courbet pour le remplacement de la colonne Vendôme, dont la destruction pendant la Commune de Paris avait été imputée au célèbre peintre. Le prix à payer pour rétablir et figer un symbole que l’histoire n’avait pourtant cessé de chahuter (et qui n’a de Vendôme que le nom...)


La colonne Vendôme est un de ces succulents Gloubi-boulga dont l’histoire parisienne a le secret. Erigée à l’emplacement d’une statue royale qui avait été déboulonnée par les révolutionnaires de 1789, détournée de son sens à la restauration, restaurée sous le Second Empire, détruite sous la Commune, la célèbre colonne a finalement été reconstruite sous Mac-Mahon aux frais du peintre Gustave Courbet. Lequel fut accusé de l’avoir fait détruire...


Au fait, pourquoi Vendôme ?  

C’est le nom du Prince sur les terres duquel la place Vendôme, deuxième place royale de Paris après la place des Vosges, fut édifiée sous Louis XIV et dessinée par Jules Hardouin Mansart. Sauf qu’à l’époque, la place s’appelait Louis Le Grand. Et qu’un nom pareil finit par faire tâche. Quand on a le statut de place royale et qu’on arbore, en son centre, une statue équestre du roi, on n’échappe pas à la vindicte révolutionnaire. Le roi eut tôt fait d’être désarçonné. Le 13 août 1789, la statue de Louis Le Grand fut détruite. Exit le symbole du pouvoir royal ! Et, trois ans plus tard, le lieu fut élégamment rebaptisé « place des Piques » : référence à une exhibition, au bout des piques, des têtes de ci-devant contre-révolutionnaires …  « Ah ! ça ira, ça ira, ça ira… »


Un monument à la gloire de la Grande armée

Finalement, c’est en 1799, à la charnière du consulat et du directoire, qu’on préféra le nom, plus neutre, de place Vendôme. Et quand l’Empire fut venu, l’idée y germa d’un monument à la gloire de la Grande armée, dont le sens fut vite détourné au profit  du despote. Exit la Révolution. Retour du pouvoir absolu et de ses symboles.  En 1810, Napoléon 1er « autorise » la  construction d’un monument sur le modèle de la colonne Trajane de Rome. Pour la réaliser, on fond le métal des 1200 canons pris à l’ennemi à Austerlitz. Sur les flancs de la colonne, une spirale de bas reliefs célèbre les exploits de l’armée napoléonienne de 1805 à 1807, et, en son sommet, une statue de l’empereur, à la mode romaine, immortalise le grand Napoléon. Une gloire bien éphémère !


Une fleur de lys à la place de l'Empereur !

Après la chute de l’Empire et la restauration de la monarchie, une fleur de lys géante vient remplacer la statue de l’empereur. Changement de régime, changement de symbole ! Après la révolution de 1848, Louis Philippe, le nouveau roi, supposé plus libéral que son prédécesseur, se débarrasse de la fleur de lys et recrée une filiation symbolique avec la révolution et l’empire : Napoléon retrouve sa place au sommet de la colonne, mais… sous les traits d’un petit caporal débonnaire ! Ce qui, évidemment, ne convint plus du tout sous le Second Empire, où l’on s’empressa de restaurer l’image impériale de Napoléon 1er : retour de la statue initiale à la mode romaine. Une copie  est alors exécutée par Auguste Dumont (un sculpteur adepte des colonnes, auquel on doit aussi le génie de la liberté, plus connu sous le nom de génie de la Bastille). Evidemment, le symbole ne résistera pas à la chute du Second Empire. Après le 4 septembre 1871, la déroute de Sedan face aux prussiens et la destitution de l’Empereur, les méchantes langues républicaines et socialistes commencent à s’attaquer aux symboles de la tyrannie. 


Pourquoi le nom de Courbet fut-il associé à la destruction de la colonne Vendôme pendant la Commune de Paris ?

La réponse en cliquant sur le titre de l'article ci-dessous

Courbet, le proudhonien, à l'assaut de la colonne Vendôme 


Déambulations autour de la colonne Vendôme

Pont Neuf : quand Henri IV sort de la cuisse de Napoléon                                                         

Les Invalides : Napoléon en petit caporal                                                                

Vendôme-Bastille : Dumont, le sculpteur des sommets