Paris 3ème : Nathalie Lemel, héroïne de la Commune

Portrait de Nathalie Lemel

Si jamais vous souhaitez vous rendre Place Elisabeth Dmitrieff, dans le 3ème arrondissement de Paris, ne cherchez pas cette adresse sur Google Maps : elle n’a tout simplement pas les honneurs du premier moteur de recherche mondial. Simple oubli ? Il n'en va pas de même pour Nathalie Lemel, autre héroïne de la Commune de Paris.


Nathalie Lemel n’en est pas à un silence près. Il aura fallu attendre le 8 mars 2007, pour que cette figure de la Commune de Paris se voit décerner, à l’occasion de la journée internationale des femmes, un lieu à son nom dans le 3ème arrondissement de la capitale. Le même jour, Elisabeth Dmitfrieff eut droit au même traitement. Il aura ainsi fallu attendre plus d’un siècle pour que le mémoire de ces deux figures de l’histoire sociale française soit enfin célébrée. Un hommage qui reste discret.  Ainsi les cartes de Google na savent pas repérer la place parisienne qui porte désormais le nom d'Elisabeth Dmitrieff. Heureusement Wikipedia, par la magie du web collaboratif , affiche la réponse.

La place Elisabeth Dmitrieff  se situe à l’intersection de le rue du Temple et de la rue Turbigo, non loin de la place Nathalie Lemel, située, elle, à l’intersection des rues Dupetit-Thouars et de la Corderie. Mais pourquoi  diantre le conseil municipal du 3ème arrondissement de Paris a-t-il opté pour ces lieux là ? Comme souvent dans la capitale, le choix est quasiment subliminal.

Les emplacements retenus se situent à quelques centaines de mètres du 44 rue des Gravilliers qui fut le siège du bureau parisien de l’AIT, l’Association internationale des travailleurs. Fondée le 28 septembre 1864 à Londres (sept ans avant la Commune de Paris),  et plus connue sous l’appellation « Première internationale », l’AIT, organisation de travailleurs, s’était donné pour objectif l’émancipation des prolétaires. Comme l’indique ses statuts, rédigés par Karl Marx en personne « l’émancipation des travailleurs doit venir des travailleurs eux-mêmes ». Objectif final ? L’abolition du salariat. Bref,  l’AIT fut un des premiers maillons de l’histoire du socialisme. Et son antenne parisienne, rue des Gravilliers, un des viviers de la Commune.


Nathalie Lemel, une prolétaire de l'AIT

Elle adhéra à l’AIT deux ans après sa création. Cette bretonne alors âgée de 40 ans, mère de trois enfants, était ouvrière dans l’atelier parisien de reliure où elle avait trouvée à s’embaucher après la faillite de la librairie créée à Quimper avec son mari. La profession de Nathalie Lemel a son importance. Après 1860,  alors que le Second Empire, contraint d’être plus libéral, accorde timidement le droit de grève (1864) et autorise la création des premières chambres syndicales, l’artisanat d’art (bien représenté dans le 3ème arrondissement) va jouer un rôle clé dans la constitution du mouvement ouvrier français. Ainsi, parmi les cadres du bureau parisien de l’AIT trouve-t-on un autre relieur, Eugène Varlin, et le ciseleur sur bronze, Henri Tolain, lequel participa à Londres en 1864 au congrès ouvrier européen qui fonda l’AIT.


Elisabeth Dmitrieff, une révolutionnaire d'origine russe

Elle n’était pas issue du même monde. Cette fille naturelle d’un officier russe - belle et riche, dit-on - , militante de l’opposition au Tsar pendant ses études à Saint Pétersbourg, avait participé, en Suisse, à la création de la section russe de l’internationale. En mars 1871, alors qu’elle n’avait que 20 ans, Karl Marx – un de ses nouveaux amis - l’envoya de Londres à Paris comme représentante du conseil de l’AIT. Dès le mois suivant, avec Nathalie Lemel, Elisabeth Dmitrieff compta parmi les principales animatrices de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Parmi les missions de cette organisation fondée le 11 avril 1871 : le service des fourneaux, c’est à dire l’approvisionnement des combattants. Nathalie Lemel avait déjà une solide  expérience en la matière. Dès 1866, dans la logique « mutuelliste » du mouvement ouvrier français, elle avait créé une coopérative alimentaire, la « Marmite », destinée aux ouvriers dans le besoin et toujours active pendant le siège de Paris. 


L'Union des Femmes créée dans le 3ème 

Au fait, savez-vous où Nathalie Lemel et Elisabeth Dmitrieff ont fondé l’Union des femmes ? Selon Wikipedia, au 79 rue du Temple, dans la salle Larched. Il y avait donc une autre bonne raison d’associer au 3ème arrondissement les noms des deux femmes.

 

Epilogue

Que sont devenues Nathalie Lemel et Elisabeth Dmitrieff après la semaine sanglante de la fin mai 1871 qui mit un terme à la Commune de Paris ? Après s’être battu sur les barricades, Elisabeth Dmitrieff parvint à retourner en Russie sans que l’on sache vraiment comment. Après avoir combattu sur la barricade de la rue Pigalle et soigné les blessés, Nathalie Lemel fut condamnée à l’enfermement dans le bagne de Nouvelle Calédonie, où elle partagea la même case que Louise Michel.  Amnistiée en 1880, elle revint en métropole et travailla au journal l’Intransigeant fondé par Henri Rochefort, tout en poursuivant sa lutte pour l’amélioration de la condition féminine. Elle meurt en 1921 à l’hospice d’Ivry-sur-Seine, pauvre et aveugle, à l’âge de… 94 ans !

 

Pour en savoir plus sur les femmes de la Commune

Le site « Les grandes femmes qui ont fait l’histoire »