A Paris, le danger vient de l'Ouest

Ce qui allait devenir l’un des plus grands palais d’Europe n’était à l’origine qu’un édifice défensif, face aux menaces venues de l’Ouest : le point de départ de 810 ans d’histoire.

 



Si je vous dis «Palais Royal», sans doute pensez-vous au beau jardin entouré d’arcades qui porte ce nom. Sans doute ce nom vous évoque-t-il la place Colette, la Comédie Française, peut-être même le Ministère de la Culture et le Conseil d’Etat, installés 1, place du Palais Royal, dans un somptueux bâtiment classique.


Seulement voilà, à Paris, les mots et les choses ne coïncident pas toujours. Ce que vous pensez être le palais royal, ne l’a été, nous le verrons, que quelques années. En revanche, le Louvre, le vaste édifice dont nous allons évoquer l’histoire, existe, lui, depuis plus de 800 ans.  Avant de devenir l’un des deux plus grands musées du monde, le Louvre, fut pendant des siècles un palais royal. Paré pour une grande balade à travers le temps ?



> Rendez-vous sur le Pont des Arts, charmante passerelle pour piétons que les touristes couvrent de cadenas pour «verrouiller» leur amour.

> Arrêtez-vous du côté de la rive droite, c’est à dire du côté du Louvre.

> Tournez votre regard vers le Pont Neuf et l’Ile de la Cité.

 

 

Admirez, au loin, au delà du Pont Neuf, sur la rive droite de l’Ile de la Cité, les tours et les murailles de la Conciergerie. On ne le répète jamais assez, à Paris, les mots et le choses ne coïncident pas toujours. Vous avez devant les yeux le plus ancien palais royal de Paris. Si ancien qu’on en retrouve la trace dans l’antiquité. En effet, à la fin de la Rome antique, plusieurs empereurs ont résidé en ces lieux. 

A cette époque, les migrants germaniques menacent les murailles de l’Empire, à l’Est, du côté du Rhin. Ici, sur le territoire des Parisi, la belle cité antique, construite en balcon au dessus de la Seine, sur les flancs de la montagne Sainte Geneviève, ne se sent plus en sécurité. Elle se replie frileusement sur l’Ile de la Cité derrière une première enceinte. Lutèce est née. 

L’hiver, des légions romaines s’y replient après avoir guerroyé à l’Est. C’est dans ce camp retranché que l’empereur Julien, qui appréciait particulièrement Lutèce, a élu domicile au milieu du 4ème siècle et donné naissance à un embryon de palais. Ainsi s’installa, pour de longs siècles, le centre du pouvoir politique. 

Après la chute de l’Empire, les rois francs y aménagèrent leur palais. Ils y rendaient justice, y gouvernaient et, parfois, y résidaient. C’est là que s’organisa peu à peu le royaume de France et que la monarchie fit souche, faisant de Paris une capitale.

Puis, peu à peu, à partir du 12ème siècle, les grandes fonctions politiques commencèrent à migrer, une à une, vers d’autres lieux. Une seule a fait souche dans l’île de la Cité : la justice. La Conciergerie abrite toujours le Palais de justice de Paris. Une remarquable continuité.


Le grand projet urbain de Philippe Auguste

Au 12ème siècle, Paris s’étend sur les deux rives du fleuve. La rive droite, organisée autour d’un puissant port fluvial et largement consacrée aux fonctions économiques ne demande qu’à se développer. Nait alors le projet d’un ambitieux dispositif urbain.

Le roi de France Philippe II (1165-1223), dit Philippe Auguste, eut l’idée d’accompagner et de protéger la croissance de Paris par la création d’une grande enceinte défensive de 5,1 kilomètres. Elle devait englober de vastes réserves foncières pour permettre le développement de la ville. 

Le Pont des Arts, sur lequel nous nous trouvons, correspond précisément à l’axe de cette muraille. Vous êtes toujours face à l’île de la Cité ? Sur votre droite, à l’extrémité du Pont des Arts, là où l’on peut aujourd’hui admirer l’Institut de France et sa coupole, se dressait la tour Hamelin (ultérieurement baptisée Tour de Nesles) : cette tour marquait le début de l’enceinte sur la rive gauche. Sur l’autre rive, là où s’ouvre le porche du Louvre, se dressait la tour du Coin, début de l’enceinte sur la rive droite.

Philippe Auguste, en conflit perpétuel avec les Plantagenets, entendait solidement protéger sa ville. Aussi, alors qu’il s’apprêtait à partir en croisade, eut-il l’idée de renforcer la nouvelle enceinte, du côté de l’Ouest, par une puissante forteresse de plaine. 


> A présent, tournez le dos au Pont Neuf. Le Louvre est sur votre droite. Vous pouvez voir au loin la verrière du Grand Palais. 

>  Vous voici plein l’Ouest, face à la Seine. 

 

A Paris, depuis des temps immémoriaux, le danger vient de l’Ouest. Au 12ème siècle, c’est évidemment la menace des Plantagenets qui préoccupait le roi de France. Mais trois ou quatre siècles plus tôt, entre 845 et 855, les Normands les avaient précédés, menaçant Lutèce à plusieurs reprises : des centaines de Drakkars venus tout droit de la mer avaient attaqué les rives de la Seine et fait le siège de l’Ile de la Cité.

Etonnamment, le nom même de «Louvre» conserve la trace d’une menace venue de l’Ouest. Pour les uns, le mot Louvre ferait référence à une Louverie, c’est à dire un équipe d’hommes chargée de traquer les loups dans la profonde forêt de l’Ouest. Pour les autres, il viendrait d’un vieux mot d’origine germanique désignant un camp militaire. 

De fait, au cinquième siècle, des migrants germaniques avaient peu à peu pris position sur la rive droite, face à l’île de la Cité, tour à tour s’installant de manière paisible ou massant des troupes pour attaquer Lutèce. Ainsi, le Louvre désignerait-il l’emplacement d’un camp militaire installé par les Francs, un camp dont les archéologues auraient même retrouvé des traces du côté de l’église Saint-Germain-L’Auxerrois. 


Une forteresse de plaine

C’est précisément sur ce lieu, jugé de tout temps stratégique, que Philippe Auguste inaugura en 1202 sa forteresse de plaine, juste devant l’enceinte qu’il venait de faire construire. Ce fut le point de départ d’un édifice dont l’histoire continue 810 ans plus tard à s’écrire et qui n’était alors ni un musée, ni un palais : le Louvre.

 
Le Louvre, 810 ans d'histoire pas à pas