Place Saint-Georges : drôle de citoyen ce Thiers !

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Faisons un petit détour par la place Saint-Georges, pour changer de point de vue sur un drôle de citoyen : Adolphe Thiers, le chef du gouvernement versaillais qui a fait écraser la Commune de Paris, n’était pas un honorable père de famille…


Comme nombre de bourgeois de son temps, Adolphe Thiers, avait élu domicile dans le quartier de la Nouvelle Athènes, dans le 9ème arrondissement de Paris. Un quartier fréquenté aussi bien par les grandes fortunes de l’époque que par des artistes de renom comme Frédéric Chopin et Georges Sand que des courtisanes célèbres (une tradition depuis le 18ème siècle : de riches aristocrates ont lancé le quartier en y faisant construire des hôtels pour leurs maîtresses).


L'hôtel Thiers face à celui de la Païva

Ainsi, l’honorable Monsieur Thiers, avocat, historien, académicien, ministre et président du conseil sous la monarchie de juillet, chef de l’opposition libérale sous Napoléon III, chef du gouvernement versaillais sous la Commune, premier président de la République (en titre), a eu pendant un temps pour voisine directe, une célèbre demi-mondaine : La Païva (avant son installation sur les Champs Elysées). Aujourd’hui encore, de part et d’autre de la place Saint Georges, l’ex-hôtel Thiers et celui de la Païva se font face : deux demeures de style très différent, l’immeuble de La Païva est dans le goût du 19ème siècle, l’hôtel Thiers s’inspire de l’architecture Louis XVI. Ce que l’on sait moins c’est que les deux bâtiments ont une origine commune : c’est le beau père de Thiers, l’agent de change Alexis Dosne qui a loti le quartier et fait construire les deux demeures. Et c’est là où ça se corse !


Ménage à quatre

Qu’Adolphe Thiers ait choisi d’habiter l’hôtel particulier de son beau père, Alexis Dosne, après avoir épousé Elise Dosne, en 1833, n’a sans doute rien de très surprenant. Ce qui est plus singulier, en revanche, c’est que le bon monsieur Thiers avait eu auparavant une liaison avec Eurydice Dosne, la jeune épouse d’Alexis Dosne et la mère d’Elise. Mieux, après avoir séduit la mère et épousé la fille, il entretint une liaison avec la sœur cadette d’Elise Dosne, Félicie Dosne ! Journalistes et chansonniers de l’époque se feront un malin plaisir d’épingler le sens aigu de la famille du bon monsieur Thiers.

Evidemment, pendant La Commune de Paris, l’hôtel Thiers fait les frais de la colère du peuple. Certes, Gustave Courbet, membre du conseil communal chargé de veiller sur le patrimoine, à tenter de préserver le mobilier, les œuvres d’art et les objets de valeur, en les faisant déménager au Louvre. Mais, hélas, le tout sera emporté dans l’incendie des Tuileries, fin mai 1871. Quant aux bâtiments de l’hôtel Thiers, ils seront en grande partie détruits.


Reconstruction aux frais de l'Etat

Après l’écrasement de la Commune par l’armée versaillaise, l’hôtel de la place Saint Georges fut entièrement reconstruit aux frais de la République (un million de franc de l’époque). Toutefois Thiers, nommé entre temps premier président de la République (en titre) ne l’habita pas. Sa femme, totalement parano, craignant pour la vie de son président de mari, préféra continuer à habiter Versailles. Donc, après la mort du couple Thiers, le moins que pouvait faire la belle sœur et maîtresse de Thiers, Félicie Dosne, c’était de faire don de l’hôtel de la place Saint-Georges à l’Institut de France. Devenu la Fondation Dosne-Thiers, cet élégant hôtel abrite une précieuse bibliothèque consacrée à l’histoire de France au XIXe siècle.


Et la Païva dans l'histoire ?

Esther Lachmann, dite la Païva ne fut pas longtemps la voisine des Thiers. Après le suicide du marquis Albio Francesco Aranjo de Païva, la dame épousa le comte Guido Henckel von Donnersmarck, qui après lui avoir offert l’hôtel du 28 place Saint-Georges, lui en fait construire un autre beaucoup plus somptueux au 25 avenue des Champs Elysées : un hôtel de style renaissance que l’on peut encore admirer aujourd’hui.


Pour en savoir plus sur l’hôtel Thiers :

> Le site de la Bibliothèque Thiers