Quand Les Invalides étaient Saint-Marc-sur-Seine

Le lion de Saint-Marc à Venise, Italie

Imaginez une fontaine monumentale au beau milieu de l'esplanade des Invalides. Et au sommet de la Fontaine... Le lion de Saint-Marc, piqué à Venise !

 

 

Sans doute savez-vous que les authentiques chevaux de la basilique Saint-Marc de Venise trônaient au sommet du Carrousel du Louvre, lors de son inauguration par Napoléon Bonaparte en 1809. 

 

Mais peut-être ignorez-vous que le lion de Saint Marc - celui là même qui s’envole sur sa colonne devant le Palais des doges à Venise - ornait, à la même époque une fontaine, au beau milieu de l’esplanade des Invalides (juste au carrefour de la rue Saint-Dominique, au lieu-dit des Quatre chemins).

 

Dans les bagages du Premier consul

Le lion de Saint Marc est arrivé à Paris, en même temps que les célèbres chevaux de la basilique vénitienne. Napoléon avait ramené le tout dans ses bagages, en 1797, après la première campagne d’Italie et l’occupation, éphémère, de la Sérénissime. 

 

Non content de singer les généraux romains en faisant édifier un arc de triomphe à la gloire de son armée, le Premier consul se comportait, comme eux, en prédateur. 

 

Juste retour des choses :  la chute de l’Empereur en 1815 amena la France à restituer à Venise ses précieux symboles. Mais, dans cette affaire, la Sérénissime n’était pas, elle-même, au dessus de tout soupçon. Le lion et le quadrige sont des antiquités dont l’origine n’a rien de vénitienne.

 


La Sérénissime n'était pas au dessus de tout soupçon

Les quatre chevaux, qui ornaient depuis le quatrième siècle l’hippodrome de Constantinople, avaient été ramenés a Venise en 1204 après le sac de Constantinople par la quatrième croisade (on peut aujourd’hui les admirer à l’intérieur de la Basilique Saint-Marc).

 

Quant au lion ailé, il n’a pas grand chose à voir avec Saint-Marc, le patron de Venise : il s’agit d’une antiquité vraisemblablement originaire de Perse et représentant une chimère !

 

Le plus extraordinaire, c’est que Saint-Marc dont le lion est le symbole, est lui-même un emprunt de la Sérénissime... A l’origine, la République de Venise s’était donnée pour saint patron un certain Théodore Tiron (lui-même sur une colonne, place Saint Marc, à côté du lion). On pouvait rêver plus prestigieux ! 

 

Alors, quand des marchands au 9ème siècle s’emparent à Alexandrie des reliques du célèbre évangéliste Saint-Marc, la Sérénissime eut tôt fait de se l’approprier et d’en faire son nouveau patron. Et cet emprunt va empoisonner, pendant des siècles, les relations de la Sérénissime avec les catholiques orthodoxes d’Egypte. Au point que Paul VI finira, en 1968, par restituer aux coptes les reliques de Saint-Marc !

 


Un lion pas très catholique

Enfin, pour faire bonne mesure, l’association de Saint Marc avec le lion n’a rien, elle non plus, de si évidente. C’est une allusion au premier verset de l’évangile de Saint-Marc : « Une voix crie dans le désert». Bref, Saint Marc n’a sans doute jamais croisé le roi des animaux et son lion ailé n’est jamais qu’une chimère !

 

Mais rien ne justifiait pour autant de piquer le fameux lion. Et encore moins d’aller le percher sur une improbable pyramide au milieu d’une fontaine parisienne. 

 

Bref, nous n’avons guère de raison de pleurer sur la perte du lion et encore moins sur la disparition de la fontaine des Invalides. Celle-ci, après avoir été surmontée d’une fleur de lys à la Restauration, puis d’une statue de Lafayette sous la Monarchie de Juillet, a été finalement rasée en 1840, pour pouvoir laisser passer le convoi funéraire lors du retour des cendres de Napolén 1er