Sur les traces de l'abbaye perdue

L'abbaye royale de Montmartre, qui fut pendant 600 ans, l’une des plus importantes institutions religieuses de l’Ancien Régime, a disparu corps et biens. Il nous en reste une pierre tombale et l’envoûtant parfum de spiritualité que dégage l’église Saint-Pierre-de-Montmartre.

 

  

 

 

> Profitez de votre visite à l’église Saint-Pierre-de Montmartre (2, rue du Mont-Cenis), pour découvrir, à gauche de la nef, une énigmatique pierre tombale.


> Observez cette pierre. Rien de spectaculaire : une simple dalle fixée au mur, sur laquelle on devine à grand peine l’effigie d’un être humain.


> Pourtant, vous êtes devant la tombe d'un personnage de haut rang, qui a joué un rôle clé dans l'histoire de Montmartre.

 

 

 

Vous êtes devant la pierre tombale d’Adélaïde de Savoie, reine de France au 12ème siècle. La dame descend de l’illustre famille des Ducs de Savoie. Un de ses frères fut pape, sous le nom Calixte II. Elle fut l’épouse du roi de France, Louis VI le Gros, le cinquième roi de la dynastie des Capétiens (1108 à 1137). En 1131, leur premier fils, Philippe, héritier de la couronne, mourut accidentellement dans une rue de Paris, écrasé par sa monture : son cheval se cabra, soudainement effrayé par un pourceau errant. Du coup, c’est son frère Louis qui régna, sous le nom de Louis VII le jeune).

 


Naissance d’une abbaye royale


Louis VI et la reine Adélaïde sont à l’origine de l’Abbaye royale de Montmartre, l’une des plus importantes institutions religieuses, et, dès le 13ème siècle, l’une des plus riches seigneuries du royaume, dont dépendra la butte pendant plus de 600 ans.

 

En créant une abbaye de femmes placée sous sa protection, Louis VI, dit-on, voulut s’attirer les bonnes grâces de la papauté avec laquelle il était en conflit. Pour ce faire, en 1133, le roi récupèra, auprès de la communauté religieuse de Saint-Martin-des-Champs, un ensemble de possessions à Montmartre : des vignes, des pressoirs, des moulins, un verger, un hameau, des vestiges antiques, une église au sommet de la butte et, à mi pente, une nécropole datant des premiers chrétiens, ainsi qu’une petite chapelle consacrée au martyre de Saint-Denis.


L’église fut alors restaurée, les bâtiments du couvent construits à l’Est et au Sud de l’église, et le nouveau prieuré confié aux soeurs bénédictines. La consécration de l’église, en 1147, donna lieu à un événement de premier plan. Elle fut assurée par le pape lui-même, en présence de deux des plus grandes figures religieuses de l'époque : Saint-Bernard-de-Clairvaux et Pierre le Vénérable.

 

Pierre de Montboissier, dit Pierre le Vénérable fut le neuvième abbé de Cluny, centre intellectuel de premier plan au Moyen-Age (vestiges en Saône et Loire).


Bernard de Fontaine, fonda en 1115, près de Bar-sur-Aube, l’abbaye cistercienne de Clairvaux. Cette insitution à la discipline rigoureuse (fuite du monde, pauvreté, travail manuel, silence) fut le point de départ d'un réseau de 68 abbayes. Bernard, abbé de Clairvaux jusqu’en 1153, fut canonisé en 1174.

 

 

Une église à double usage


Au 12ème siècle, l’Abbaye royale de Montmartre naît dans un contexte prestigieux, aussi bien sur le plan matériel que religieux. Son église, toujours debout, en est le seul témoignage.


Edifiée au 6ème siècle, entièrement remaniée au 12ème siècle, dotée de croisées d’ogive au 15ème siècle, miraculeusement sauvée à la fin du 19ème siècle, l’église Saint-Pierre-de-Montmartre nous transmet toute la douceur spirituelle des plus anciens édifices religieux. Dans le choeur, la voute de la première travée est romane. Cette voute en plein cintre, qui date du 12ème siècle, est l’une des plus anciennes de Paris.


Cette église doit sa survie à une particularité. Elle eut, dès l'origine, un double usage. Le choeur, consacré à Notre Dame et à Saint Denis, fut réservé aux religieuses. Mais les paroissiens pouvaient y assister au culte. Ils se tenaient dans la nef séparée du choeur et consacrée à Saint Pierre. C'est cette fonction paroissiale qui sauvera l’église au moment de la Révolution. Les paroissiens ne s’attaqueront pas à leur lieu de culte, placé sous l’autorité d’un curé nommé par le nouveau pouvoir.

 

Retour au 12ème siècle. En 1153, la reine Adélaïde se retira à l’Abbaye de Montmartre. Elle y mourut un an plus tard et y fut inhumée, comme les bénédictines de l’institution. Quelques années plus tard, un cloître fut construit sur le flanc Sud. Les simples religieuses y étaient enterrées, puis leurs ossements placés dans le triforium de l’église. 



Montmatre 2000 ans d'histoire pas à pas